AUGMENTATION DES COTISATIONS « Prévoyance & Santé », que faire ?

AUGMENTATION DES COTISATIONS « Prévoyance & Santé », que faire ?

Les DRH le savent. Les augmentations de salaire sont et seront quasi-nulles en 2021 et 2022. Dans ces conditions, les augmentations de cotisations en Prévoyance et Santé impliqueront une baisse du salaire NET, ce qui est juste impossible !

Vous saviez sans doute déjà que :

Un appel d’offres permet dans certains cas d’obtenir un prix « dumpé » quitte à se retrouver en N+2 dans une situation d’une augmentation de cotisations difficile à expliquer et à faire « passer »…

Mais que se passe-t-il si le marché ne peut plus entrer dans ce jeu de prix cassé ?

L’article qui suit propose d’apporter un éclairage sur la ou les problématiques structurelles (I) permettant ensuite de répondre à la question de la stratégie à adopter (II), puis aux arbitrages au cas par cas (III)

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I – LES ENJEUX MACRO ÉCONOMIQUES

Quel sera l’impact COVID ?

En prévoyance, la COVID fera probablement dériver l’arrêt de travail. En effet, le nombre d’arrêts de travail a augmenté depuis le début de la crise sanitaire. Cependant, ils sont souvent de courte durée et restent des incapacités temporaires. On peut espérer que l’impact soit limité pour les régimes à franchises longues (90 jours). Pour autant, un parallélisme des courbes entre crise économique, chômage et arrêt de travail a toujours été constaté dans le passé, et il est complexe d’anticiper l’impact qu’aura la crise économique sur la prévoyance à plus moyen terme. La prudence reste donc de mise. Pour ce qui relève de la complémentaire santé, la crise sanitaire a généré, dans un premier temps, des économies qui font craindre un effet rebond. Lors du premier confinement des personnes atteintes de maladies chroniques ont moins été suivies. Par ailleurs, les consultations annuelles de prévention et de dépistage ont été décalées ou annulées laissant, potentiellement, s’aggraver des pathologies à l’origine bégnines. Ces non-recours aux soins pendant la crise font craindre de futurs surcoûts.

 

Le report de l’âge de la retraite ne sera pas sans impact

Depuis la dernière réforme des retraites introduite en 2014, les pouvoirs publics ont montré leur volonté de réformer le système de retraite en profondeur : l’idée d’une nouvelle réforme ne doit donc pas être négligée. Or, le report de l’âge de la retraite a deux incidences majeures sur la prévoyance collective. Non seulement, il allonge la durée de maintien en arrêt de travail ; ce qui, pour la précédente réforme, a eu un impact de 15% sur la charge de sinistre mais encore il se traduit par un vieillissement des populations salariées. La hausse de la moyenne d’âge de 1 an pour un groupe se traduit par une augmentation de 10% de la fréquence de décès. Même si la dérive n’est pas aussi importante sur l’arrêt de travail, le vieillissement de la population active impacte également ce risque. De plus, l’impact du vieillissement de la population est accentué par l’effet de l’âge actuariel : on vieillit plus vite qu’il n’y apparaît! En effet, l’âge moyen n’est pas un indicateur suffisant car si on « mutualise » une personne de 20 ans avec une personne de 60 ans, si leur âge moyen est bien de 40 ans, leur risque décès est le même que si l’on « mutualise » deux personnes de 51 ans. Le report de l’âge de la retraite a également un impact sur les rentes d’invalidité de la Sécurité sociale. En effet, elles sont versées jusqu’à l’âge légal du départ à la retraite, ce qui allonge donc la durée de versement.

 

La baisse des taux financiers alourdit les provisions

L’actuelle politique des « taux bas » a une incidence non négligeable sur la charge de sinistres. En effet, lors du calcul des provisions, le taux d’actualisation anticipe les intérêts financiers que dégageront les provisions. Ainsi, plus le taux est élevé, plus l’anticipation des intérêts permet d’en réduire le montant. Inversement, avec des taux faibles, la somme à provisionner est plus importante. Ainsi, dans les comptes de résultat la charge de sinistre, égale aux prestations + provisions, s’en trouve d’autant plus importante. Ce qui déséquilibre les comptes. La garantie rente de conjoint a subi de plein fouet ce phénomène de baisse des taux car le coût de cette garantie est également impacté par le risque de longévité. La combinaison du risque de taux et du risque de longévité se traduit par une hausse conséquente de la charge de sinistre. La baisse des taux a multiplié par quatre le montant à provisionner en 30 ans. En effet, aujourd’hui la provision d’une rente de conjoint viagère de 12 000 € pour une femme de 45 ans est placée au taux technique de 0 % et donc le montant à provisionner est de 590 000 €. Dans les années 1990, le taux technique était de 3,5 % , soit un montant à provisionner de 283 000 € alors que les rendements financiers étaient de 12 % et permettaient de provisionner 110 000 €.

 

Plusieurs formes de désengagements sont à anticiper

La Sécurité sociale se positionne depuis plusieurs années sur un contrôle des prestations qu’elle délivre et cela se traduit principalement par des désengagements de sa part. Ainsi, des désengagements ont déjà été observés notamment sur les IJSS et sur les actes médicaux pris en charge par le régime obligatoire comme sur l’homéopathie ou la hausse du forfait journalier. Au vu du vieillissement de la population française, les besoins de financements de la santé vont croître et la poursuite de ces désengagements doivent être anticipés par les complémentaires santé, ce qui se traduira par … une hausse inévitable des cotisations.

 

II  –  QUELLE STRATÉGIE RH ? 4 thématiques :

A défaut d’un rajeunissement de la pyramide des âges dans les entreprises pour contrer l’effet de dégradation de la sinistralité, il convient de trouver des pistes alternatives. Celles-ci doivent s’appuyer sur la théorie des risques qui fournit, de manière exhaustive, les quatre attitudes suivantes :

La théorie des risques

  • L’acceptation du risque (partielle ou totale)
  • La prévention qui se traduit par une diminution de la fréquence  Suivre lien (Fond social sur mesure).
  • La réduction qui a pour objectif de diminuer le coût moyen
  • Le transfert du risque qui est la mutualisation qu’offre l’assurance sachant que le coût du transfert de risque s’évalue par : Cotisation = fréquence × coût moyen. D’où l’intérêt de la prévention et de la réduction des risques pour limiter l’explosion des coûts d’assurance, voire du renoncement à certaines couvertures moins prioritaires que d’autres.

Envisager des franchises plus longues en prévoyance ?

Les franchises diminuent considérablement le coût de la couverture en arrêt de travail comme le montre le schéma suivant qui représente le coût de maintien pour 100€ de rémunération :

Techniciens et ouvriers Franchise Cadres AM et Employés
5,28 € 0 jour 3,82 €
4,36 € 3 jours 3,28 €
3,91 € 7 jours 2,77 €
3,04 € 15 jours 2,23 €
2,22 € 1 mois 1,56 €
1,52 € 2 mois 0,97 €
1,20 € 3 mois 0,70 €
0,76 € 6 mois 0,34 €

Ainsi, malgré la difficulté à faire accepter ce type de solutions délicates, il apparaît préférable de retenir une franchise importante plutôt que de devoir limiter les prestations à plus long terme pour les futurs invalides. Dans certains cas, il se pourrait même (dans le respect des CCN) que l’on aboutisse, en cas de déséquilibre trop important, à ne conserver que la couverture invalidité.

Mener une réflexion sur le taux de maintien

Pour autant, il conviendra, dans certains cas, de mener une réflexion quant au niveau de rémunération maintenue et de revenir à la définition du maintien du salaire net : ni plus, ni moins. Dans la pratique, retenir ce critère peut s’avérer délicat en fonction :

  • Du taux de participation patronale
  • Des primes maintenues ou non

 À quels risques faut-il donner la priorité : Prévoyance ou Santé ?

Plutôt que de réduire les prestations en prévoyance, il conviendrait d’envisager des transferts entre la complémentaire santé et la prévoyance. Ainsi, dans certains cas où les dérives constatées sont telles que de nouvelles augmentations de budget ne sont plus possibles, il serait souhaitable de pouvoir dégager du budget sur la complémentaire santé. Trois pistes sont à explorer dans le cadre du 100% santé :

  • Passer d’un « taux famille » à un « taux famille hors conjoint »
  • Supprimer le remboursement des médicaments à 35% et à 15%
  • Limiter le remboursement des lunettes au strict panier 100% santé.

Autrement exprimé, que faut-il répondre à un salarié en invalidité sans couverture adéquate en prévoyance ? : « Qu’il a la chance que ses lunettes et ses médicaments de confort soient pris en charge alors qu’il a du mal à payer son loyer ? »

 

III – CONSEIL AUX DRH

A défaut de pouvoir choisir le « mieux », dans les années à venir les DRH et les IRP devront humblement retenir les solutions les moins mauvaises.

Ainsi, les questions qui se poseront en termes d’ « alternatives » seront ?

Lorsqu’un contrat dérive en prévoyance, vaut-il mieux ?

  • Allonger la franchise en incapacité temporaire
  • Diminuer la garantie arrêt de travail

Et/ou

  • Rendre la rente de conjoint temporaire
  • Supprimer la rente éducation

Lorsqu’un contrat dérive en santé, vaut-il mieux ?

  • Augmenter les cotisations
  • Revoir la structure de cotisations en excluant les ayants-droit

Et/ou

  • Augmenter les cotisations
  • Diminuer les prestations en optique

Et/ou

  • Diminuer les prestations en optique
  • Diminuer les prestations en dentaire

Lorsque les frais des contrats sont négociables, vaut-il mieux ?

  • Augmenter la part de la prime de risque net de frais
  • Réemployer les frais négociés dans une stratégie de prévention ?

Et/ou

  • Augmenter la part de la prime de risque net de frais
  • Améliorer les garanties à due proportion ?

 

Ainsi, plutôt que de partir des besoins perçus, le choix se fera en fonction des moyens. Ce qui, dans un contexte de problématique budgétaire, va permettre de se recentrer sur l’essentiel !

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